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Le meilleur moment des amours

L

Le meilleur moment des amours N’est pas quand on a dit : « Je t’aime. » Il est dans le silence même À demi rompu tous les jours ; Il est dans les intelligences Promptes et furtives des coeurs ; Il est dans les feintes rigueurs Et les secrètes indulgences ; Il est dans le frisson du bras Où se pose la main qui tremble, Dans la page qu’on tourne ensemble Et que pourtant on ne lit...

Le jardin du Luxembourg

L

Dans le jardin du Luxembourg, Sous le regard lointain des reines, Les enfants jouent comme toujours. Nerval, Paul Fort, Carco, Verlaine, Où sont vos silhouettes blêmes ? Sous les marronniers aux bras gourds, On entend couler la semaine Sans que, là-bas, du haut des tours, Paris de rien se ressouvienne. Même s’ils étaient couverts d’or, Ici, tous les absents ont tort. Pourtant, toujours on se...

Comme une mer gris ardoise

C

Comme une mer gris ardoise
plaine d’hiver mon cerveau
dans l’espace
poursuite fugitive du phare
mes yeux tombent
course en rond
ce que nous appelons terre :
les étoiles les plus proches
Inger Christensen (1935-2009)
– – –
( in « Lumière », traduit du danois par Janine et Karl Poulsen )
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Après un temps d’absence

A

Et en août, quand
le soir
abrite
tant de voix, Tant
de
voeux, tant d’étoiles
qui ont reparu
dans le ciel, après un temps
d’absence — Jupiter
Sirius
les Pléiades.
etc. Plus le parfum des prunes.
Jan Erik Vold
– – –
( in « La Norvège est plus petite qu’on ne le pense », traduit du norvégien par Jacques Outin )
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Sommeil…

S

Ministre du repos, Sommeil, pere des songes, Pourquoi t’a-t’on nommé l’image de la mort ? Que ces faiseurs de vers t’ont jadis fait de tort, De le persuader avecques leurs mensonges ! Faut-il pas confesser qu’en l’aise où tu nous plonges Nos esprits sont ravis par un si doux transport Qu’au lieu de raccourcir à la fureur du sort Les plaisirs de nos jours...

Stérilité ! …

S

Je suis un arbre mort et j’attends la cognée ; Mes rameaux dépouillés ne portent plus de fruits ; Ma sève a trop coulé ; la dernière saignée Fut fatale pour moi et je vais vers la nuit… Avec d’amers regrets je regarde les feuilles De ceux qui verdissants, s’envolent vers le ciel… Je ne puis rien donner à l’homme qui recueille, Et l’abeille en fuyant, loin...

Miroir

M

Le temps d’un miroir n’a pas d’âge Ni le visage qui s’y plaît, Qui se regarde se partage Et son passé n’a pas de clef. Le doigt qui suit sur une tempe La veine bleue ou le fil blanc Comme la trame d’une estampe Ou la frontière sur un plan, Le doigt longtemps suit une ride Et n’en devine le défaut Que si le cœur devient aride Et ne bat plus quand il le...

La coupe

L

Laisse venir à toi doucement les images ; Comme une coupe pure offre-leur ton esprit Et qu’au cristal de l’eau dans leur fraîcheur surpris S’inscrivent les reflets légers des paysages. Ne bouge pas. Bientôt s’en viendront les oiseaux Apprivoisés poser leur vol près de la coupe. Des lézards étendront leurs corps agile et souple Au soleil ; et le ciel s’irisera dans...

Saltimbanques

S

Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans églises Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe Ils ont des poids ronds ou carrés Des tambours des cerceaux dorés L’ours et le singe animaux sages Quêtent des sous sur...

Véronique

V

La maison était rose avec des volets bleus Je voyais dans la nuit les traits de ton visage L’aurore s’approchait, j’étais un peu nerveux, La lune se glissait dans un lac de nuages Et tes mains dessinaient un espace invisible Où je pouvais bouger et déployer mon corps Et je marchais vers toi, proche et inaccessible, Comme un agonisant qui rampe vers la mort. Soudain tout a changé...