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S’il l’avait su

S

S’il avait su quelle âme il a blessée,Larmes du coeur, s’il avait pu vous voir,Ah ! si ce coeur, trop plein de sa pensée,De l’exprimer eût gardé le pouvoir,Changer ainsi n’eût pas été possible ;Fier de nourrir l’espoir qu’il a déçu :A tant d’amour il eût été sensible,S’il avait su. S’il avait su tout ce qu’on peut attendreD’une âme...

Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire

C

Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire, Dans les champs où la nuit traîne son manteau bleu J’irai, respirant l’air que l’herbe en fleur embaume, Triste et pressant le pas comme ceux qui vont seuls ; Je verrai les hameaux s’endormir sous le chaume, Et les amants tresser leurs doigts sous les tilleuls, Et les femmes filer encore, et les aïeuls Rêver dans l’ombre au...

Les rêves morts

L

Vois ! cette mer si calme a comme un lourd bélierEffondré tout un jour le flanc des promontoires,Escaladé par bonds leur fumant escalier,Et versé sur les rocs, qui hurlent sans plier,Le frisson écumeux des longues houles noires.Un vent frais, aujourd’hui, palpite sur les eaux,La beauté du soleil monte et les illumine,Et vers l’horizon pur où nagent les vaisseaux,De la côte azurée, un...

Je te donne ces vers…

J

Je te donne ces vers afin que si mon nomAborde heureusement aux époques lointaines,Et fait rêver un soir les cervelles humaines,Vaisseau favorisé par un grand aquilon, Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon,Et par un fraternel et mystique chaînonReste comme pendue à mes rimes hautaines ; Être maudit à qui, de l’abîme profondJusqu’au plus haut du ciel...

TOMBEAU

T

Le noir roc courroucé que la bise le rouleNe s’arrêtera ni sous de pieuses mainsTâtant sa ressemblance avec les maux humainsComme pour en bénir quelque funeste moule. Ici presque toujours si le ramier roucouleCet immatériel deuil opprime de maintsNubiles plis l’astre mûri des lendemainsDont un scintillement argentera la foule. Qui cherche, parcourant le solitaire bondTantôt extérieur...

AUTOMNE

A

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneuxEt son boeuf lentement dans le brouillard d’automneQui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s’en allant là-bas le paysan chantonneUne chanson d’amour et d’infidélitéQui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise Oh ! l’automne l’automne a fait mourir l’étéDans le brouillard...

L’ADIEU

L

J’ai cueilli ce brin de bruyèreL’automne est morte souviens-t’enNous ne nous verrons plus sur terreOdeur du temps brin de bruyèreEt souviens-toi que je t’attends
– – –Guillaume Apollinaire (1880-1918), in Alcools ( Nouvelle revue française, 1920)
( source Gallica )
( pour en savoir plus sur Guillaume Apollinaire )

TOUT ÊTRE A SON REFLET OU SON ECHO…

T

Tout être a son reflet ou son écho.Le soir,La source offre à l’étoile un fidèle miroir ;Le pauvre trouve un coeur qui l’accueille, la flûteUn mur où son air triste et pur se répercute ;L’oiseau qui chante appelle et fait chanter l’oiseau,Et le roseau gémit froissé par le roseau :Rencontrerai-je un jour une âme qui répondeAu cri multiplié de ma douleur profonde ? –...

PANTOUM

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Par les soirs où le ciel est pur et transparent,Que tes flots sont amers, noire mélancolie !Mon coeur est un lutteur fatigué qui se rend,L’image du bonheur flotte au loin avilie. Que tes flots sont amers, noire mélancolie !Oh ! qu’il me fait de mal ton charme pénétrant !L’image du bonheur flotte au loin avilie.L’espoir qui me berçait râle ainsi qu’un mourant. Oh ! qu’il me fait de mal ton charme...

LE SECRET

L

Où gis-tu secret du mondeà l’odeur si puissante ?Parfois un ouvrier douxdans la ville fiévreusetombe d’un échafaudageet le vent sent toujours le lilas ;un malheur tenacehabite les corps les plus beauxles mains dans le soir se serrentun animal s’endortdans une loge qu’ouvragèrent les hommesla paix toujours se corromptet la guerren’a plus d’âge. – –...