CategoryCharles Guérin

Conseils au solitaire

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Aie une âme hautaine et sonore et subtile,Tais-toi, mure ton seuil, car la lutte déprave ;Forge en sceptre l’or lourd et roux de tes entraves,Ferme ton coeur à la rumeur soûle des villes ; Entends parmi le son des flûtes puérilesSe rapprocher le pas profond des choses graves ;Hors la cité des rois repus, tueurs d’esclaves,Sache une île stérile où ton orgueil s’exile. Songe que tout est triste et...

J’ai croisé sur la route où je vais dans la vie

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J’ai croisé sur la route où je vais dans la vieLa Mort qui cheminait avec la Volupté,L’une pour arme ayant sa faux inassouvie,L’autre, sa nudité. Voyageur qui se traîne, ivre de lassitude,Cherchant en vain des yeux une borne où s’asseoir,Je me trouvais alors dans une solitudeAux approches du soir. Tout à coup, comme à l’heure où le vent y circule,L’herbe haute...

La pensée est une eau sans cesse jaillissante

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La pensée est une eau sans cesse jaillissante.Elle surgit d’un jet puissant du coeur des mots,Retombe, s’éparpille en perles, jase, chante,Forme une aile neigeuse ou de neigeux rameaux,Se rompt, sursaute, imite un saule au clair de lune,S’écroule, décroît, cesse. Elle est soeur d’ArielEt ceint l’écharpe aux tons changeants de la FortuneOù l’on voit par instants...

Encore un peu ta bouche en pleurs…

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Encore un peu ta bouche en pleurs, encore un peuTes mains contre mon coeur et ta voix triste et basse ;Demeure ainsi longtemps, délicieuse et lasse,Auprès de moi, ma pauvre enfant, ce soir d’adieu. Les formes du jardin se fondent dans l’air bleu,Le vent propage en l’étouffant l’aveu qui passe ;L’heure semble éternelle au couple qui s’enlace,Et l’ivresse...

Le lait des chats

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Les chats trempent leur langue roseAu bord des soucoupes de lait ;Les yeux fixés sur le soufflet,Le chien bâille en songeant, morose. Et tandis qu’il songe et reposePrès de la flamme au chaud reflet,Les chats trempent leur langue roseAu bord des soucoupes de lait. Dans le salon, seul le feu glose ;Mère-grand dit son chapelet,Suzanne dort sur un ourlet,Et dans le lait, paupière close,Les...

Ton coeur est fatigué des voyages…

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Ton coeur est fatigué des voyages ? Tu cherchesPour asile un toit bas et de chaume couvert,Un verger frais baigné d’un crépuscule vertOù du linge gonflé de vent pende à des perches ? Alors ne va pas plus avant : Voici l’enclos.Cette porte d’osier qui repousse des feuilles,Ouvre-la, s’il est vrai, poète, que tu veuillesConnaître après l’amer chemin, le doux repos...

Vous qui sur mon front, toute en larmes

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Vous qui sur mon front, toute en larmes, Pressez vos yeux pour ne plus voir Les feuilles du berceau de charmes Sur le sable humide pleuvoir, Dans le brouillard funèbre où glissent Ces ombres des jours révolus, Pauvre enfant dont les cils frémissent, Vous qui pleurez, ne pleurez plus. Car bientôt, dans les avenues, Décembre transparent et bleu Etendra sur les branches nues Ses belles nuits...

Souvent, le front posé sur tes genoux…

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Souvent, le front posé sur tes genoux, je pleure,Plus faible que ton coeur amoureux, faible femme,Et ma main qui frémit en recevant tes larmesSe dérobe aux baisers de feu dont tu l’effleures. ” Mais, dis-tu, cher petit enfant, tu m’inquiètes ;J’ai peur obscurément de cette peine étrange :Quel incurable rêve ignoré des amantesL’Infini met-il donc au coeur de ces...

Le vent est doux comme une main de femme

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Le vent est doux comme une main de femme,Le vent du soir qui coule dans mes doigts ;L’oiseau bleu s’envole et voile sa voix,Les lys royaux s’effeuillent dans mon âme ; Au clavecin s’alanguissent les gammes,Le soleil est triste et les coeurs sont froids ;Le vent est doux comme une main de femme,Le vent du soir qui coule dans mes doigts. Je suis cet enfant que nul ne...

J’étais couché dans l’ombre au seuil de la forêt

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J’étais couché dans l’ombre au seuil de la forêt.Un talus du chemin désert me séparait.J’écoutais s’écouler près de moi, bruit débile,Une source qui sort d’une voûte d’argile.Par ce beau jour de juin brûlant et vaporeuxL’horizon retenait des nuages heureux.Des faucheurs répandus à travers la prairieAbattaient ses remparts d’herbe haute et nourrie...