Authorpoesiedumonde

Je sens bannir ma peur et le mal que j’endure

J

Je sens bannir ma peur et le mal que j’endure, Couché au doux abri d’un myrte et d’un cyprès, Qui de leurs verts rameaux s’accolant près à près Encourtinent la fleur qui mon chevet azure ! Oyant virer au fil d’un musicien murmure Milles nymphes d’argent, qui de leurs flots secrets Bebrouillent en riant les perles dans les prés, Et font les diamants rouler à...

L’hiver du sieur d’Aubigné

L

Mes volages humeurs, plus stériles que belles, S’en vont, et je leur dis : ” Vous sentez, hirondelles, S’éloigner la chaleur et le froid arriver. Allez nicher ailleurs pour ne fâcher, impures, Ma couche de babil et ma table d’ordures ; Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver. ” D’un seul point le soleil n’éloigne l’hémisphère ; Il jette moins...

L’arbre mort

L

Je connais, au fond d’une anse Où sa maigre forme danse, Un érable mort, Mort nous raconte une histoire De s’être penché pour boire L’eau claire du bord. A le voir nu comme un marbre, L’été, parmi d’autres arbres Verts et vigoureux, On dirait que la nature L’a laissé sans sépulture Pour un crime affreux. Plus tard quand tombent les feuilles Quelquefois il les...

Sonnet impressionniste

S

Quelle âme revêtir dans cette forêt vierge Qui va, grimpant les monts, au ciel donner assaut, Où la terre a gardé l’empreinte d’un sursaut Par quoi, depuis des temps fabuleux, elle émerge. Arrière fatuité, loin de moi rire sot Que l’on promène au bal, dans la rue ou l’auberge. Comme si j’explorais quelque nouvelle berge, J’aurai l’âme qui sied en face...

Désir simple

D

Jeunes filles qui brodez En suivant des songeries, Seules sur vos galeries, Ou qui dehors regardez, Comme des oiseaux en cage, Si j’en avais le courage Vers l’une de vous j’irais – Dieu sait encore laquelle, La plus triste ou la plus belle – Et d’un ton simple dirais : – ” Vous êtes celle, peut-être, Qui m’apparaît si souvent Diaphane dans le...

Gratitude

G

J’ai dit à la forêt haute et pleine d’orgueil : ” Tuer, seul me déride ; J’irai dans tes abris dépister le chevreuil Et le lièvre timide. ” Lors la forêt m’offrit, pour mon repos du soir, Un lit d’herbe et de mousse Où la lune envoyait, entre les rameaux noirs, Une lumière douce. Je sommeillais lorsque des grenouilles sautant, Nombreuses et pressées, Se...

Le passé

L

Telle qu’une vapeur s’épaississant toujours, La nuit grave s’étend sur les îles boisées ; Les plus belles au loin, déjà semblent rasées Et les rives n’ont plus que de fuyants contours. A mes pieds, le vent d’est chassant l’onde à rebours, Courbe les joncs comme autant d’âmes angoissées. – Veux-tu que nous allions reposer nos pensées Dans...

Autour des corps, qu’une mort avancée

A

Autour des corps, qu’une mort avancée Par violance a privez d’un beau jour, Les ombres vont, et font maint et maint tour, Aimans encor leur dépoüille laissée. Au lieu cruel, où j’eu l’ame blessée Et fu meurtri par les flèches d’Amour, J’erre, je tourne et retourne à l’entour, Ombre maudite, errante et dechassée. Legers esprits, plus que moy fortunez...

De mes ans la fleur se déteint

D

De mes ans la fleur se déteint, J’ai l’oeil cave et pâle le teint, Ma prunelle est toute éblouie, De gris-blanc ma tête se peint, Et n’ai plus si bonne l’ouïe. Ma vigueur peu à peu se fond, Maint sillon replisse mon front, Le sang ne bout plus dans mes veines, Comme un trait mes beaux jours s’en vont, Me laissant faible entre les peines. Adieu chansons, adieu...

Elle pleurait, toute pâle de crainte

E

Elle pleurait, toute pâle de crainte, Lors que la Mort sa moitié menaçait, Et tellement l’air de cris remplissait Que la Mort même à pleurer eut contrainte. Hélas ! mon Dieu, que sa grâce était sainte ! Que beau son teint, qui les lys effaçait ! Le trait d’Amour cependant me blessait, Et dans mon âme engravait sa complainte. L’air en pleurant sa douleur témoigna, Le beau soleil...