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L’arbre mort

L

Je connais, au fond d’une anse Où sa maigre forme danse, Un érable mort, Mort nous raconte une histoire De s’être penché pour boire L’eau claire du bord. A le voir nu comme un marbre, L’été, parmi d’autres arbres Verts et vigoureux, On dirait que la nature L’a laissé sans sépulture Pour un crime affreux. Plus tard quand tombent les feuilles Quelquefois il les...

Désir simple

D

Jeunes filles qui brodez En suivant des songeries, Seules sur vos galeries, Ou qui dehors regardez, Comme des oiseaux en cage, Si j’en avais le courage Vers l’une de vous j’irais – Dieu sait encore laquelle, La plus triste ou la plus belle – Et d’un ton simple dirais : – ” Vous êtes celle, peut-être, Qui m’apparaît si souvent Diaphane dans le...

Sonnet impressionniste

S

Quelle âme revêtir dans cette forêt vierge Qui va, grimpant les monts, au ciel donner assaut, Où la terre a gardé l’empreinte d’un sursaut Par quoi, depuis des temps fabuleux, elle émerge. Arrière fatuité, loin de moi rire sot Que l’on promène au bal, dans la rue ou l’auberge. Comme si j’explorais quelque nouvelle berge, J’aurai l’âme qui sied en face...

Gratitude

G

J’ai dit à la forêt haute et pleine d’orgueil : ” Tuer, seul me déride ; J’irai dans tes abris dépister le chevreuil Et le lièvre timide. ” Lors la forêt m’offrit, pour mon repos du soir, Un lit d’herbe et de mousse Où la lune envoyait, entre les rameaux noirs, Une lumière douce. Je sommeillais lorsque des grenouilles sautant, Nombreuses et pressées, Se...

Le passé

L

Telle qu’une vapeur s’épaississant toujours, La nuit grave s’étend sur les îles boisées ; Les plus belles au loin, déjà semblent rasées Et les rives n’ont plus que de fuyants contours. A mes pieds, le vent d’est chassant l’onde à rebours, Courbe les joncs comme autant d’âmes angoissées. – Veux-tu que nous allions reposer nos pensées Dans...

Décembre

D

Le givre étincelant, sur les carreaux gelés, Dessine des milliers d’arabesques informes ; Le fleuve roule au loin des banquises énormes ; De fauves tourbillons passent échevelés. Sur la crête des monts par l’ouragan pelés,De gros nuages lourds heurtent leurs flancs difformes ; Les sapins sont tout blancs de neige, et les vieux ormesDressent dans le ciel gris leurs grands bras désolés...

Maison abandonnée

M

Audacieusement sise à cette hauteur, Cette maison proprette et d’une vigne ornée Est au milieu d’un tel déploiement de splendeur Que l’on devrait, il semble, y trouver le bonheur. Pourtant elle est abandonnée. Abandonnée, avec ces champs verts alentour ! Vide, quand on peut voir de toutes ses fenêtres Des coteaux, des vallons et des coteaux toujours ! Déserte, quand un lac au...

La forêt canadienne

L

C’est l’automne. Le vent balanceLes ramilles, et par momentsInterrompt le profond silenceQui plane sur les bois dormants. Des flaques de lumière douce,Tombant des feuillages touffus,Dorent les lichens et la mousseQui croissent au pied des grands fûts. De temps en temps, sur le rivage,Dans l’anse où va boire le daim,Un écho s’éveille soudainAu cri de quelque oiseau sauvage...

Vieux Piano

V

L’âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;Relégué du salon, il sommeille dans l’ombreCe misanthrope aigri de son isolement. Je me souviens encor des nocturnes sans nombreQue me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,À ces soirs d’autrefois – passés dans la pénombre,Quand Liszt se disait triste et Beethoven mourant. Ô...

Les Morts

L

O morts ! dans vos tombeaux vous dormez solitaires,Et vous ne portez plus le fardeau des misèresDu monde où nous vivons.Pour vous le ciel n’a plus d’étoiles ni d’orages,Le printemps, de parfums, l’horizon, de nuages,Le soleil, de rayons. Immobiles et froids dans la fosse profonde,Vous ne demandez pas si les échos du mondeSont tristes ou joyeux ;Car vous n’entendez...