CategoryPhilippe Desportes

Autour des corps, qu’une mort avancée

A

Autour des corps, qu’une mort avancée Par violance a privez d’un beau jour, Les ombres vont, et font maint et maint tour, Aimans encor leur dépoüille laissée. Au lieu cruel, où j’eu l’ame blessée Et fu meurtri par les flèches d’Amour, J’erre, je tourne et retourne à l’entour, Ombre maudite, errante et dechassée. Legers esprits, plus que moy fortunez...

De mes ans la fleur se déteint

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De mes ans la fleur se déteint, J’ai l’oeil cave et pâle le teint, Ma prunelle est toute éblouie, De gris-blanc ma tête se peint, Et n’ai plus si bonne l’ouïe. Ma vigueur peu à peu se fond, Maint sillon replisse mon front, Le sang ne bout plus dans mes veines, Comme un trait mes beaux jours s’en vont, Me laissant faible entre les peines. Adieu chansons, adieu...

Rosette, pour un peu d’absence

R

Rosette, pour un peu d’absence, Votre coeur vous avez changé, Et moi, sachant cette inconstance, Le mien autre part j’ai rangé : Jamais plus, beauté si légère Sur moi tant de pouvoir n’aura Nous verrons, volage bergère, Qui premier s’en repentira. Tandis qu’en pleurs je me consume, Maudissant cet éloignement, Vous qui n’aimez que par coutume, Caressiez un...

Elle pleurait, toute pâle de crainte

E

Elle pleurait, toute pâle de crainte, Lors que la Mort sa moitié menaçait, Et tellement l’air de cris remplissait Que la Mort même à pleurer eut contrainte. Hélas ! mon Dieu, que sa grâce était sainte ! Que beau son teint, qui les lys effaçait ! Le trait d’Amour cependant me blessait, Et dans mon âme engravait sa complainte. L’air en pleurant sa douleur témoigna, Le beau soleil...

Quand quelquefois je pense à ma première vie

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Quand quelquefois je pense à ma première vie Du temps que je vivais seul roi de mon désir, Et que mon âme libre errait à son plaisir, Franche d’espoir, de crainte, et d’amoureuse envie : Je verse de mes yeux une angoisseuse pluie, Et sens qu’un fier regret mon esprit vient saisir, Maudissant le destin qui m’a fait vous choisir, Pour rendre à tant d’ennuis ma pauvre...

Quand je pouvais me plaindre en l’amoureux tourment

Q

Quand je pouvais me plaindre en l’amoureux tourment, Donnant air à la flamme en ma poitrine enclose, Je vivais trop heureux ; las ! maintenant je n’ose Alléger ma douleur d’un soupir seulement. C’est me poursuivre, Amour, trop rigoureusement ! J’aime, et je suis contraint de feindre une autre chose, Au fort de mes travaux je dis que je repose, Et montre en mes ennuis...

J’ai dit à mon désir : pense à te bien guider

J

J’ai dit à mon désir : pense à te bien guider,Rien trop bas, ou trop haut, ne te fasse distraire.Il ne m’écouta point, mais jeune et volontaire,Par un nouveau sentier se voulut hasarder. Je vis le ciel sur lui mille orages darder,Je le vis traversé de flamme ardente et claire,Se plaindre en trébuchant de son vol téméraire,Que mon sage conseil n’avait su retarder. Après ton...