Victor Hugo

A la mère de l’enfant mort

Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit ange
Qu’il est d’autres anges là-haut,
Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n’y change,
Qu’il est doux d’y rentrer bientôt;

Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres,
Une tente aux riches couleurs,
Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres,
Et d’étoiles qui sont des fleurs;

Que c’est un lieu joyeux plus qu’on ne saurait dire,
Où toujours, se laissant charmer,
On a les chérubins pour jouer et pour rire,
Et le bon Dieu pour nous aimer;

Qu’il est doux d’être un coeur qui brûle comme un cierge,
Et de vivre, en toute saison,
Près de l’enfant Jésus et de la sainte Vierge
Dans une si belle maison!

Et puis vous n’aurez pas assez dit, pauvre mère,
A ce fils si frêle et si doux,
Que vous étiez à lui dans cette vie amère,
Mais aussi qu’il était à vous;

Que, tant qu’on est petit, la mère sur nous veille,
Mais que plus tard on la défend;
Et qu’elle aura besoin, quand elle sera vieille,
D’un homme qui soit son enfant;

Vous n’aurez point assez dit à cette jeune âme
Que Dieu veut qu’on reste ici-bas,
La femme guidant l’homme et l’homme aidant la femme,
Pour les douleurs et les combats ;

Si bien qu’un jour, ô deuil ! irréparable perte !
Le doux être s’en est allé !… –
Hélas ! vous avez donc laissé la cage ouverte,
Que votre oiseau s’est envolé !

Victor HUGO (1802-1885)

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