CategoryVictor Hugo

Demain dès l’aube

D

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour...

Oh ! quand je dors

O

Oh ! quand je dors, viens auprès de ma couche, Comme à Pétrarque apparaissait Laura, Et qu’en passant ton haleine me touche … – Soudain ma bouche S’entr’ouvrira ! Sur mon front morne où peut-être s’achève Un songe noir qui trop longtemps dura, Que ton regard comme un astre se lève … – Soudain mon rêve Rayonnera ! Puis sur ma lèvre où voltige une...

Paroles sur la dune.

P

Maintenant que mon temps décroît comme un flambeau, Que mes tâches sont terminées ; Maintenant que voici que je touche au tombeau Par les deuils et par les années, Et qu’au fond de ce ciel que mon essor rêva, Je vois fuir, vers l’ombre entraînées, Comme le tourbillon du passé qui s’en va, Tant de belles heures sonnées ; Maintenant que je dis : – Un jour, nous triomphons ; Le lendemain, tout...

Il fait froid

I

L’hiver blanchit le dur chemin.Tes jours aux méchants sont en proie.La bise mord ta douce main,La haine souffle sur ta joie. La neige emplit le noir sillon.La lumière est diminuée…Ferme ta porte à l’aquilon !Ferme ta vitre à la nuée ! Et puis laisse ton cœur ouvert !Le cœur, c’est la sainte fenêtre.Le soleil de brume est couvert ;Mais Dieu va rayonner peut-être ! Doute du bonheur, fruit...

Après avoir souffert

A

Après avoir souffert, après avoir vécu,Tranquille, et du néant de l’homme convaincu,Tu dis je ne sais rien ! — Et je te félicite,Ô lutteur, ô penseur, de cette réussite. Maintenant, sans regret, sans désir, humblement,Bienveillant pour la nuit et pour l’aveuglement,Tu médites, vibrant au vent comme une lyre ;Tu savoures l’azur, le jour, l’astre ; et sans lireLes papyrus...

A l’Arc de triomphe

A

Oh ! Paris est la cité mère ! Paris est le lieu solennelOù le tourbillon éphémère Tourne sur un centre éternel ! Paris ! feu sombre ou pure étoile ! Morne Isis couverte d’un voile ! Araignée à l’immense toile Où se prennent les nations ! Fontaine d’urnes obsédée ! Mamelle sans cesse inondéeOù pour se nourrir de l’idée Viennent les générations ! Quand Paris se met à...

A des âmes envolées

A

Ces âmes que tu rappelles,Mon coeur, ne reviennent pas.Pourquoi donc s’obstinent-elles,Hélas ! à rester là-bas ? Dans les sphères éclatantes,Dans l’azur et les rayons,Sont-elles donc plus contentesQu’avec nous qui les aimions ? Nous avions sous les tonnellesUne maison près Saint-Leu.Comme les fleurs étaient belles !Comme le ciel était bleu ! Parmi les feuilles tombées,Nous...

A la mère de l’enfant mort

A

Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit angeQu’il est d’autres anges là-haut,Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n’y change,Qu’il est doux d’y rentrer bientôt; Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres,Une tente aux riches couleurs,Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres,Et d’étoiles qui sont des fleurs; Que c’est un lieu joyeux...

Mes deux filles

M

Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,Lune pareille au cygne et l’autre à la colombe,Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur !Voyez, la grande soeur et la petite soeurSont assises au seuil du jardin, et sur ellesUn bouquet d’oeillets blancs aux longues tiges frêles,Dans une urne de marbre agité par le vent,Se penche, et les regarde, immobile et vivant,Et frissonne...