• René Guy Cadou

    Les Amis d’enfance

    Je me souviens du grand cheval Qui promenait tête et crinière Comme une grappe de lumière Dans la nuit du pays natal. Qui me dira mon chien inquiet, Ses coups de patte dans la porte, lui qui prenait pour un gibier Le tourbillon des feuilles mortes ? Maintenant que j’habite…

  • Sabine Drabowitch

    Avril

    Avril se balance, Au bord du ciel vert, Ne tient qu’à un fil Je lance des mots, Paroles en l’air, Comme une prière. Si les mots s’envolent Ne retombent pas Pas plus bas que moi, C’est que mon sang bat, Que mes pas s’affolent, Et qu’avril y croit ! Avril…

  • Dominique Bonnaud

    LA FOURMI ET LA CIGALE

    N’ayant pu mettre en été De côté La récolte suffisante, La Fourmi, presqu’indigente, Humblement s’en fut quêter Quelques sous pour subsister, Elle vint solliciter La Cigale sa voisine, Qui s’appelait Carmosine Et dansait à l’Opéra. Depuis fort longtemps déjà, Cette Cigale économe (Quoiqu’en ait dit le Bonhomme) Avait su garder,…

  • Arthur Rimbaud

    Le Mal

    Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ; Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raillent, Croulent les bataillons en masse dans le feu ; Tandis qu’une folie épouvantable broie Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant…

  • inger CHRISTENSEN

    Comme une mer gris ardoise

    Comme une mer gris ardoise plaine d’hiver mon cerveau dans l’espace poursuite fugitive du phare mes yeux tombent course en rond ce que nous appelons terre : les étoiles les plus proches Inger Christensen (1935-2009) – – – ( in « Lumière », traduit du danois par Janine et Karl…

  • Jan Erik Vold

    Après un temps d’absence

    Et en août, quand le soir abrite tant de voix, Tant de voeux, tant d’étoiles qui ont reparu dans le ciel, après un temps d’absence — Jupiter Sirius les Pléiades. etc. Plus le parfum des prunes. Jan Erik Vold – – – ( in « La Norvège est plus petite…

  • Théophile de Viau

    Sommeil…

    Ministre du repos, Sommeil, pere des songes, Pourquoi t’a-t’on nommé l’image de la mort ? Que ces faiseurs de vers t’ont jadis fait de tort, De le persuader avecques leurs mensonges ! Faut-il pas confesser qu’en l’aise où tu nous plonges Nos esprits sont ravis par un si doux transport…

  • Claude LABARRAQUE-REYSSAC

    Stérilité ! …

    Je suis un arbre mort et j’attends la cognée ; Mes rameaux dépouillés ne portent plus de fruits ; Ma sève a trop coulé ; la dernière saignée Fut fatale pour moi et je vais vers la nuit… Avec d’amers regrets je regarde les feuilles De ceux qui verdissants, s’envolent…

  • Rouben MÉLIK

    Miroir

    Le temps d’un miroir n’a pas d’âge Ni le visage qui s’y plaît, Qui se regarde se partage Et son passé n’a pas de clef. Le doigt qui suit sur une tempe La veine bleue ou le fil blanc Comme la trame d’une estampe Ou la frontière sur un plan,…

  • Cécile PÉRIN

    La coupe

    Laisse venir à toi doucement les images ; Comme une coupe pure offre-leur ton esprit Et qu’au cristal de l’eau dans leur fraîcheur surpris S’inscrivent les reflets légers des paysages. Ne bouge pas. Bientôt s’en viendront les oiseaux Apprivoisés poser leur vol près de la coupe. Des lézards étendront leurs…

  • Guillaume Apollinaire

    Saltimbanques

    Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans églises Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe Ils ont des poids ronds ou…