• Paul Eluard

    Dans Paris…

    Dans Paris, il y a une rue,dans cette rue, il y a une maison,Dans cette maison, il y a un escalier,Dans cet escalier, il y  a une chambre,Dans cette chambre, il y a une table,Sur cette table, il y a un tapis,Sur ce tapis, il y a une cage ;…

  • Geo Beraudes

    ADIEU A MES ELEVES

    Trognes ingrates et divinesFrottées durant des mois contre ma vieMuseaux mutins, mufles doux de cabrisVampires aux ruses câlinesVous lampez mes artères et mon grand sympathiqueGavez-vous, et moi, le soir, inerteAphone et euphorique la lumière vertede vos regardsle bruit d’océans et de foiredes pieds boueux qui marchent sur ma têtedes cris…

  • Pierre Reverdy

    Toujours Là

    J’ai besoin de ne plus me voir et d’oublierDe parler à des gens que je ne connais pasDe crier sans être entenduPour rien tout seulJe connais tout le monde et chacun de vos pasJe voudrais raconter et personne n’écouteLes têtes et les yeux se détournent de moiVers la nuitMa tête…

  • La Pléiade - Pierre de Ronsard

    Ode à Cassandre

    Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vêprée, Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! Voyez comme en peu d’espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las, las !…

  • Alfred de Musset

    A une fleur

    Que me veux-tu, chère fleurette,Aimable et charmant souvenir ?Demi-morte et demi-coquette,Jusqu’à moi qui te fait venir ? Sous ce cachet enveloppée,Tu viens de faire un long chemin.Qu’as-tu vu ? que t’a dit la mainQui sur le buisson t’a coupée ? N’es-tu qu’une herbe desséchéeQui vient achever de mourir ?Ou ton…

  • Rutebeuf

    Que sont mes amis devenus…

    Les maux ne savent seuls venir;Tout ce qui m’était à venirM’est advenu.Que sont mes amis devenusQue j’avais de si près tenusEt tant aimés ?Je crois qu’ils sont trop clairsemésIls ne furent pas bien semésIls m’ont failli.De tels amis m’ont bien trahiLorsque Dieu m’a assailliDe tous côtés.N’en vit un seul en…

  • Charles Baudelaire

    Une charogne

    Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,Ce beau matin d’été si doux :Au détour d’un sentier une charogne infâmeSur un lit semé de cailloux, Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,Brûlante et suant les poisons,Ouvrait d’une façon nonchalante et cyniqueSon ventre plein d’exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture,Comme…

  • Albert Samain

    Watteau

    Au-dessus des grands bois profondsL’étoile du berger s’allume…Groupes sur l’herbe dans la brume…Pizzicati des violons…Entre les mains, les mains s’attardent,Le ciel où les amants regardentLaisse un reflet rose dans l’eau ;Et dans la clairière indécise,Que la nuit proche idéalise,Passe entre Estelle et CydaliseL’ombre amoureuse de Watteau. Watteau, peintre idéal de…

  • Victor Hugo

    A des âmes envolées

    Ces âmes que tu rappelles,Mon coeur, ne reviennent pas.Pourquoi donc s’obstinent-elles,Hélas ! à rester là-bas ? Dans les sphères éclatantes,Dans l’azur et les rayons,Sont-elles donc plus contentesQu’avec nous qui les aimions ? Nous avions sous les tonnellesUne maison près Saint-Leu.Comme les fleurs étaient belles !Comme le ciel était bleu !…

  • Arthur Rimbaud

    Au Cabaret Vert, cinq heures du soir

    Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottinesAux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartinesDe beurre et du jambon qui fût à moitié froid. Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la tableVerte : je contemplai les sujets très naïfsDe la tapisserie. – Et ce fut adorable,Quand…