• Albert Samain

    Extase

    Mon coeur dans le silence a soudain tressailli,Comme une onde que trouble une brise inquiète ;Puis la paix des beaux soirs doucement s’est refaite,Et c’est un calme ciel qu’à présent je reflèteEn tendant vers tes yeux mon désir recueilli. Comme ceux-là qu’on voit dans les anciens tableaux,Mains jointes et nu-tête,…

  • Albert Samain

    Devant la mer, un soir …

    Devant la mer, un soir, un beau soir d’Italie,Nous rêvions… toi, câline et d’amour amollie,Tu regardais, bercée au coeur de ton amant,Le ciel qui s’allumait d’astres splendidement. Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ;Là-bas, d’un bal lointain, à travers le silence,Douces comme un sanglot qu’on exhale à genoux,Des valses…

  • Gerard Artal

    Sublime sensation

    En fièvre dans mon antre au lever d’une auroreM’épongeant du désir il m’aura pris durantPar un vent de l’Ouest qui soufflait sur la floreD’ humer ton doux parfum ce cruel excitant Tout tachant d’apaiser cette attache au martyreJ’ai vu reflet fantasque au premier rai du jourTes accords en graphie que…

  • Jules Supervielle

    Encore frissonnant…

    Encore frissonnantSous la peau des ténèbresTous les matins je doisRecomposer un hommeAvec tout ce mélangeDe mes jours précédentsEt le peu qui me resteDe mes jours à venir.Me voici tout entier,Je vais vers la fenêtre.Lumière de ce jour,Je viens du fond des temps,Respecte avec douceurMes minutes obscures,Épargne encore un peuCe que…

  • Uncategorized

    Anonymous Rondeaux

    Toute seule passerai le vert boscage,Puis que compagnie n’ai;Se j’ai perdu mon ami par mon outrage,Toute seule passerai le vert boscage.Je li ferai à savoir par un messageQue je li amenderai.Toute seule passerai le vert boscage,Puis que compagnie n’ai. English translation:I will walk through the greenwood alone, for I have…

  • Uncategorized

    Le réveil

    Si tu m’appartenais (faisons ce rêve étrange !),Je voudrais avant toi m’éveiller le matinPour m’accouder longtemps près de ton sommeil d’ange,Egal et murmurant comme un ruisseau lointain. J’irais à pas discrets cueillir de l’églantine,Et, patient, rempli d’un silence joyeux,J’entr’ouvrirais tes mains, qui gardent ta poitrine,Pour y glisser mes fleurs en…

  • Albert Samain

    Ville morte

    Vague, perdue au fond des sables monotones,La ville d’autrefois, sans tours et sans remparts,Dort le sommeil dernier des vieilles Babylones,Sous le suaire blanc de ses marbres épars. Jadis elle régnait ; sur ses murailles fortesLa Victoire étendait ses deux ailes de fer.Tous les peuples d’Asie assiégeaient ses cent portes ;Et…

  • Anatole France

    Le refus

    Au fond de la chambre éléganteQue parfuma son frôlement,Seule, immobile, elle déganteSes longues mains, indolemment. Les globes chauds et mats des lampesQui luisent dans l’obscurité,Sur son front lisse et sur ses tempesVersent une douce clarté. Le torrent de sa chevelure,Où l’eau des diamants reluit,Roule sur sa pâle encolureEt va se…

  • Pierre Corneille

    Ô rage ! Ô désespoir…

    Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriersQue pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?Mon bras qu’avec respect tout l’Espagne admire,Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,Tant…

  • Arthur Rimbaud

    Larme

    Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,Je buvais, accroupi dans quelque bruyèreEntourée de tendres bois de noisetiers,Par un brouillard d’après-midi tiède et vert. Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, Ciel couvert.Que tirais-je à la gourde de colocase ?Quelque liqueur d’or, fade et qui fait…

  • Anna de Noailles

    Je me defends de toi….

    Je me défends de toi chaque fois que je veille,J’interdis à mon vif regard, à mon oreille,De visiter avec leur tumulte empresséCe coeur désordonné où tes yeux sont fixés.J’erre hors de moi-même en négligeant la placeOù ton clair souvenir m’exalte et me terrasse.Je refuse à ma vie un baume essentiel.Je…