• La Pléiade - Pierre de Ronsard

    Ode à Cassandre

    Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vêprée, Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! Voyez comme en peu d’espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las, las !…

  • Alfred de Musset

    A une fleur

    Que me veux-tu, chère fleurette,Aimable et charmant souvenir ?Demi-morte et demi-coquette,Jusqu’à moi qui te fait venir ? Sous ce cachet enveloppée,Tu viens de faire un long chemin.Qu’as-tu vu ? que t’a dit la mainQui sur le buisson t’a coupée ? N’es-tu qu’une herbe desséchéeQui vient achever de mourir ?Ou ton…

  • Rutebeuf

    Que sont mes amis devenus…

    Les maux ne savent seuls venir;Tout ce qui m’était à venirM’est advenu.Que sont mes amis devenusQue j’avais de si près tenusEt tant aimés ?Je crois qu’ils sont trop clairsemésIls ne furent pas bien semésIls m’ont failli.De tels amis m’ont bien trahiLorsque Dieu m’a assailliDe tous côtés.N’en vit un seul en…

  • Charles Baudelaire

    Une charogne

    Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,Ce beau matin d’été si doux :Au détour d’un sentier une charogne infâmeSur un lit semé de cailloux, Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,Brûlante et suant les poisons,Ouvrait d’une façon nonchalante et cyniqueSon ventre plein d’exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture,Comme…

  • Albert Samain

    Watteau

    Au-dessus des grands bois profondsL’étoile du berger s’allume…Groupes sur l’herbe dans la brume…Pizzicati des violons…Entre les mains, les mains s’attardent,Le ciel où les amants regardentLaisse un reflet rose dans l’eau ;Et dans la clairière indécise,Que la nuit proche idéalise,Passe entre Estelle et CydaliseL’ombre amoureuse de Watteau. Watteau, peintre idéal de…

  • Victor Hugo

    A des âmes envolées

    Ces âmes que tu rappelles,Mon coeur, ne reviennent pas.Pourquoi donc s’obstinent-elles,Hélas ! à rester là-bas ? Dans les sphères éclatantes,Dans l’azur et les rayons,Sont-elles donc plus contentesQu’avec nous qui les aimions ? Nous avions sous les tonnellesUne maison près Saint-Leu.Comme les fleurs étaient belles !Comme le ciel était bleu !…

  • Arthur Rimbaud

    Au Cabaret Vert, cinq heures du soir

    Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottinesAux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartinesDe beurre et du jambon qui fût à moitié froid. Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la tableVerte : je contemplai les sujets très naïfsDe la tapisserie. – Et ce fut adorable,Quand…

  • Victor Hugo

    A la mère de l’enfant mort

    Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit angeQu’il est d’autres anges là-haut,Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n’y change,Qu’il est doux d’y rentrer bientôt; Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres,Une tente aux riches couleurs,Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres,Et…

  • Victor Hugo

    Je t’aime, avec ton oeil candide

    Je t’aime, avec ton oeil candide et ton air mâle,Ton fichu de siamoise et ton cou brun de hâle,Avec ton rire et ta gaîté,Entre la Liberté, reine aux fières prunelles,Et la Fraternité, doux ange ouvrant ses ailes,Ma paysanne Egalité ! Victor HUGO (1802-1885)

  • Alfred de Musset

    Sur une morte

    Elle était belle, si la NuitQui dort dans la sombre chapelleOù Michel-Ange a fait son lit,Immobile peut être belle. Elle était bonne, s’il suffitQu’en passant la main s’ouvre et donne,Sans que Dieu n’ait rien vu, rien dit,Si l’or sans pitié fait l’aumône. Elle pensait, si le vain bruitD’une voix douce…

  • Paul Eluard

    Le front aux vitres

    Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrinCiel dont j’ai dépassé la nuitPlaines toutes petites dans mes mains ouvertesDans leur double horizon inerte indifférentLe front aux vitres comme font les veilleurs de chagrinJe te cherche par delà l’attentePar delà moi mêmeEt je ne sais plus tant je t’aimeLequel…