• Charles Baudelaire

    Je te donne ces vers…

    Je te donne ces vers afin que si mon nomAborde heureusement aux époques lointaines,Et fait rêver un soir les cervelles humaines,Vaisseau favorisé par un grand aquilon, Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon,Et par un fraternel et mystique chaînonReste comme pendue à mes rimes hautaines ;…

  • Stéphane Mallarmé

    TOMBEAU

    Le noir roc courroucé que la bise le rouleNe s’arrêtera ni sous de pieuses mainsTâtant sa ressemblance avec les maux humainsComme pour en bénir quelque funeste moule. Ici presque toujours si le ramier roucouleCet immatériel deuil opprime de maintsNubiles plis l’astre mûri des lendemainsDont un scintillement argentera la foule. Qui…

  • Guillaume Apollinaire

    AUTOMNE

    Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneuxEt son boeuf lentement dans le brouillard d’automneQui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s’en allant là-bas le paysan chantonneUne chanson d’amour et d’infidélitéQui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise Oh ! l’automne l’automne a fait mourir l’étéDans le…

  • Guillaume Apollinaire

    L’ADIEU

    J’ai cueilli ce brin de bruyèreL’automne est morte souviens-t’enNous ne nous verrons plus sur terreOdeur du temps brin de bruyèreEt souviens-toi que je t’attends – – –Guillaume Apollinaire (1880-1918), in Alcools ( Nouvelle revue française, 1920) ( source Gallica ) ( pour en savoir plus sur Guillaume Apollinaire )

  • Charles Guérin

    TOUT ÊTRE A SON REFLET OU SON ECHO…

    Tout être a son reflet ou son écho.Le soir,La source offre à l’étoile un fidèle miroir ;Le pauvre trouve un coeur qui l’accueille, la flûteUn mur où son air triste et pur se répercute ;L’oiseau qui chante appelle et fait chanter l’oiseau,Et le roseau gémit froissé par le roseau :Rencontrerai-je…

  • Albert Glatigny

    PANTOUM

    Par les soirs où le ciel est pur et transparent, Que tes flots sont amers, noire mélancolie ! Mon coeur est un lutteur fatigué qui se rend, L’image du bonheur flotte au loin avilie. Que tes flots sont amers, noire mélancolie ! Oh ! qu’il me fait de mal ton…

  • Jean Follain

    LE SECRET

    Où gis-tu secret du mondeà l’odeur si puissante ?Parfois un ouvrier douxdans la ville fiévreusetombe d’un échafaudageet le vent sent toujours le lilas ;un malheur tenacehabite les corps les plus beauxles mains dans le soir se serrentun animal s’endortdans une loge qu’ouvragèrent les hommesla paix toujours se corromptet la guerren’a…

  • François COPPÉE

    A un ange gardien

    Mon rêve, par l’amour redevenu chrétien,T’évoque à ses côtés, ô doux ange gardien,Divin et pur esprit, compagnon invisibleQui veilles sur cette âme innocente et paisible !N’est-ce pas, beau soldat des phalanges de Dieu,Qui, pour la protéger, fais toujours, en tout lieu,Sur l’adorable enfant planer ton ombre ailée,Que ta chaste personne…

  • Tristan Corbière

    Elizir d’Amor

    Tu ne me veux pas en rêve,Tu m’auras en cauchemar !T’écorchant au vif, sans trêve,– Pour moi.., pour l’amour de l’art. – Ouvre : je passerai vite,Les nuits sont courtes, l’été…Mais ma musique est maudite,Maudite en l’éternité ! J’assourdirai les recluses,Ereintant à coups de pieux,Les Neuf et les autres Muses…Et…

  • Auguste Angellier

    À l’éternel amour

    Ô mer, ô mer immense et triste, qui déroules,Sous les regards mouillés de ces millions d’étoiles,Les longs gémissements de tes millions de houles,Lorsque dans ton élan vers le ciel tu t’écroules ; Ô ciel, ô ciel immense et triste, qui dévoiles,Sur les gémissements de ces millions de houles,Les regards pleins…

  • Pierre Corneille

    Chagrin

    Usez moins avec moi du droit de tout charmer ;Vous me perdrez bientôt si vous n’y prenez garde.J’aime bien a vous voir, quoi qu’enfin j’y hasarde ;Mais je n’aime pas bien qu’on me force d’aimer. Cependant mon repos a de quoi s’alarmer ;Je sens je ne sais quoi dès que…