• Louise LABÉ

    Tant que mes yeux pourront larmes épandre

    Tant que mes yeux pourront larmes épandreA l’heur passé avec toi regretter,Et qu’aux sanglots et soupirs résisterPourra ma voix, et un peu faire entendre ; Tant que ma main pourra les cordes tendreDu mignard luth, pour tes grâces chanter ;Tant que l’esprit se voudra contenterDe ne vouloir rien fors que…

  • Nicolas Boileau

    Amitié Fidèle

    (Sur la mort d’Iris en 1654.)Parmi les doux transports d’une amitié fidèle,Je voyais près d’Iris couler mes heureux jours:Iris que j’aime encore, et que j’aimerai toujours,Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle:Quand, par l’ordre du ciel, une fièvre cruelleM’enleva cet objet de mes tendres amours;Et, de tous mes…

  • José-Maria de Heredia

    Aux montagnes divines

    Glaciers bleus, pics de marbre et d’ardoise, granits,Moraines dont le vent, du Néthou jusqu’à Bègle,Arrache, brûle et tord le froment et le seigle,Cols abrupts, lacs, forêts pleines d’ombre et de nids ! Antres sourds, noirs vallons que les anciens bannis,Plutôt que de ployer sous la servile règle,Hantèrent avec l’ours, le…

  • Félix Arvers

    A mon ami ***

    Tu sais l’amour et son ivresseTu sais l’amour et ses combats ;Tu sais une voix qui t’adresseCes mots d’ineffable tendresseQui ne se disent que tout bas. Sur un beau sein, ta bouche erranteEnfin a pu se reposer,Et sur une lèvre mouranteSentir la douceur enivranteQue recèle un premier baiser… Maître de…

  • André Chénier

    A la France

    France ! ô belle contrée, ô terre généreuseQue les dieux complaisants formaient pour être heureuse,Tu ne sens point du Nord les glaçantes horreurs ;Le Midi de ses feux t’épargne les fureurs ;Tes arbres innocents n’ont point d’ombres mortelles ;Ni des poisons épars dans tes herbes nouvellesNe trompent une main crédule…

  • François-René de Chateaubriand

    Nous verrons

    Paris, 1810. Le passé n’est rien dans la vie,Et le présent est moins encor :C’est à l’avenir qu’on se fiePour nous donner joie et trésor.Tout mortel dans ses voeux devanceCet avenir où nous courons ;Le bonheur est en espérance,On vit, en disant : Nous verrons. Mais cet avenir plein de…

  • Charles Guérin

    J’étais couché dans l’ombre au seuil de la forêt

    J’étais couché dans l’ombre au seuil de la forêt.Un talus du chemin désert me séparait.J’écoutais s’écouler près de moi, bruit débile,Une source qui sort d’une voûte d’argile.Par ce beau jour de juin brûlant et vaporeuxL’horizon retenait des nuages heureux.Des faucheurs répandus à travers la prairieAbattaient ses remparts d’herbe haute et…

  • Marceline DESBORDES-VALMORE

    S’il l’avait su

    S’il avait su quelle âme il a blessée,Larmes du coeur, s’il avait pu vous voir,Ah ! si ce coeur, trop plein de sa pensée,De l’exprimer eût gardé le pouvoir,Changer ainsi n’eût pas été possible ;Fier de nourrir l’espoir qu’il a déçu :A tant d’amour il eût été sensible,S’il avait su.…

  • Charles Guérin

    Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire

    Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire, Dans les champs où la nuit traîne son manteau bleu J’irai, respirant l’air que l’herbe en fleur embaume, Triste et pressant le pas comme ceux qui vont seuls ; Je verrai les hameaux s’endormir sous le chaume, Et les amants tresser leurs doigts…

  • Charles-Marie LECONTE DE LISLE

    Les rêves morts

    Vois ! cette mer si calme a comme un lourd bélierEffondré tout un jour le flanc des promontoires,Escaladé par bonds leur fumant escalier,Et versé sur les rocs, qui hurlent sans plier,Le frisson écumeux des longues houles noires.Un vent frais, aujourd’hui, palpite sur les eaux,La beauté du soleil monte et les…