• Alphonse BEAUREGARD

    L’arbre mort

    Je connais, au fond d’une anse Où sa maigre forme danse, Un érable mort, Mort nous raconte une histoire De s’être penché pour boire L’eau claire du bord. A le voir nu comme un marbre, L’été, parmi d’autres arbres Verts et vigoureux, On dirait que la nature L’a laissé sans…

  • Alphonse BEAUREGARD

    Désir simple

    Jeunes filles qui brodez En suivant des songeries, Seules sur vos galeries, Ou qui dehors regardez, Comme des oiseaux en cage, Si j’en avais le courage Vers l’une de vous j’irais – Dieu sait encore laquelle, La plus triste ou la plus belle – Et d’un ton simple dirais :…

  • Alphonse BEAUREGARD

    Sonnet impressionniste

    Quelle âme revêtir dans cette forêt vierge Qui va, grimpant les monts, au ciel donner assaut, Où la terre a gardé l’empreinte d’un sursaut Par quoi, depuis des temps fabuleux, elle émerge. Arrière fatuité, loin de moi rire sot Que l’on promène au bal, dans la rue ou l’auberge. Comme…

  • Alphonse BEAUREGARD

    Gratitude

    J’ai dit à la forêt haute et pleine d’orgueil : ” Tuer, seul me déride ; J’irai dans tes abris dépister le chevreuil Et le lièvre timide. ” Lors la forêt m’offrit, pour mon repos du soir, Un lit d’herbe et de mousse Où la lune envoyait, entre les rameaux…

  • Alphonse BEAUREGARD

    Le passé

    Telle qu’une vapeur s’épaississant toujours, La nuit grave s’étend sur les îles boisées ; Les plus belles au loin, déjà semblent rasées Et les rives n’ont plus que de fuyants contours. A mes pieds, le vent d’est chassant l’onde à rebours, Courbe les joncs comme autant d’âmes angoissées. – Veux-tu…

  • Louis-Honoré Fréchette

    Décembre

    Le givre étincelant, sur les carreaux gelés, Dessine des milliers d’arabesques informes ; Le fleuve roule au loin des banquises énormes ; De fauves tourbillons passent échevelés. Sur la crête des monts par l’ouragan pelés,De gros nuages lourds heurtent leurs flancs difformes ; Les sapins sont tout blancs de neige,…

  • Alphonse BEAUREGARD

    Maison abandonnée

    Audacieusement sise à cette hauteur, Cette maison proprette et d’une vigne ornée Est au milieu d’un tel déploiement de splendeur Que l’on devrait, il semble, y trouver le bonheur. Pourtant elle est abandonnée. Abandonnée, avec ces champs verts alentour ! Vide, quand on peut voir de toutes ses fenêtres Des…

  • Louis-Honoré Fréchette

    La forêt canadienne

    C’est l’automne. Le vent balanceLes ramilles, et par momentsInterrompt le profond silenceQui plane sur les bois dormants. Des flaques de lumière douce,Tombant des feuillages touffus,Dorent les lichens et la mousseQui croissent au pied des grands fûts. De temps en temps, sur le rivage,Dans l’anse où va boire le daim,Un écho…

  • Emile Nelligan

    Vieux Piano

    L’âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;Relégué du salon, il sommeille dans l’ombreCe misanthrope aigri de son isolement. Je me souviens encor des nocturnes sans nombreQue me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,À ces soirs d’autrefois – passés…

  • Octave CRÉMAZIE

    Les Morts

    O morts ! dans vos tombeaux vous dormez solitaires,Et vous ne portez plus le fardeau des misèresDu monde où nous vivons.Pour vous le ciel n’a plus d’étoiles ni d’orages,Le printemps, de parfums, l’horizon, de nuages,Le soleil, de rayons. Immobiles et froids dans la fosse profonde,Vous ne demandez pas si les…

  • Louis-Honoré Fréchette

    Le dernier drapeau blanc

      Combien ai-je de fois, le front mélancolique,Baisé pieusement ta touchante relique,Ô Montcalm ! ce drapeau témoin de tant d’efforts,Ce drapeau glorieux que chanta Crémazie !,Drapeau qui n’a jamais connu d’apostasie,Et que la France, un jour, oublia sur nos bords ! Devant ces plis sacrés troués par les tempêtesQui tant…