CategoryMarceline DESBORDES-VALMORE

Toi qui m’as tout repris…

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Toi qui m’as tout repris jusqu’au bonheur d’attendre,Tu m’as laissé pourtant l’aliment d’un coeur tendre,L’amour ! Et ma mémoire où se nourrit l’amour.Je lui dois le passé ; c’est presque ton retour !C’est là que tu m’entends, c’est là que je t’adore,C’est là que sans fierté je me révèle encore.Ma vie est dans ce...

Le dernier rendez-vous

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Mon seul amour ! embrasse-moi.Si la mort me veut avant toi,Je bénis Dieu ; tu m’as aimée !Ce doux hymen eut peu d’instants :Tu vois ; les fleurs n’ont qu’un printemps,Et la rose meurt embaumée.Mais quand, sous tes pieds renfermée,Tu viendras me parler tout bas,Crains-tu que je n’entende pas ? Je t’entendrai, mon seul amour !Triste dans mon dernier séjour,Si le...

Loin du monde

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Entrez, mes souvenirs, ouvrez ma solitude !Le monde m’a troublée ; elle aussi me fait peur.Que d’orages encore et que d’inquiétudeAvant que son silence assoupisse mon coeur ! Je suis comme l’enfant qui cherche après sa mère,Qui crie, et qui s’arrête effrayé de sa voix.J’ai de plus que l’enfant une mémoire amère :Dans son premier chagrin, lui, n’a...

Pourquoi ?

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Quand vous suiviez ma trace,J’allais avoir quinze ans,Puis la fleur, puis la grâce,Puis le feu du printemps. J’étais blonde et plianteComme l’épi mouvant,Et surtout moins savanteQue le plus jeune enfant. J’avais ma douce mère,Me guidant au chemin,Attentive et sévèreQuand vous cherchiez ma main. C’est beau la jeune filleQui laisse aller son coeurDans son regard qui...

Le papillon malade

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Apologue Las des fleurs, épuisé de ses longues amours,Un papillon dans sa vieillesse(Il avait du printemps goûté les plus beaux jours)Voyait d’un oeil chagrin la tendre hardiesseDes amants nouveau-nés, dont le rapide essorEffleurait les boutons qu’humectait la rosée.Soulevant un matin le débile ressortDe son aile à demi-brisée : ” Tout a changé, dit-il, tout se fane...

S’il l’avait su

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S’il avait su quelle âme il a blessée,Larmes du coeur, s’il avait pu vous voir,Ah ! si ce coeur, trop plein de sa pensée,De l’exprimer eût gardé le pouvoir,Changer ainsi n’eût pas été possible ;Fier de nourrir l’espoir qu’il a déçu :A tant d’amour il eût été sensible,S’il avait su. S’il avait su tout ce qu’on peut attendreD’une âme...

L’enfant au miroir

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(A Mlle Emilie Bascans) Si j’étais assez grande,Je voudrais voirL’effet de ma guirlandeDans le miroir.En montant sur la chaise,Je l’atteindrais ;Mais sans aide et sans aise,Je tomberais. La dame plus heureuse,Sans faire un pas,Sans quitter sa causeuse,De haut en bas,Dans une glace claire,Comme au hasard,Pour apprendre à se plaireJette un regard. Ah ! c’est bien incommodeD’avoir huit ans !Il faut...

Le pardon

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Je me meurs, je succombe au destin qui m’accable.De ce dernier moment veux-tu charmer l’horreur ?Viens encore une fois presser ta main coupableSur mon coeur. Quand il aura cessé de brûler et d’attendre,Tu ne sentiras pas de remords superflus ;Mais tu diras : ” Ce coeur, qui pour moi fut si tendre,N’aime plus. “ Vois l’amour qui s’enfuit de mon âme...

L’Amour

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Vous demandez si l’amour rend heureuse;Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.Ah! pour un jour d’existence amoureuse,Qui ne mourrait? la vie est dans l’amour. Quand je vivais tendre et craintive amante,Avec ses feux je peignais ses douleurs:Sur son portrait j’ai versé tant de pleurs,Que cette image en paraît moins charmante. Si le sourire, éclair inattendu,Brille parfois...

Je l’ai promis

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Tu me reprends ton amitié :Je n’ai donc plus rien dans le monde,Rien que ma tristesse profonde.N’en souffris-tu que la moitié,Toi, dans ta mobile amitié,Va ! Je plaindrai ta vie amère.Que Dieu pour l’amour de sa mère,Ou pour moi, te prenne en pitié ! On ne commande pas l’amour :Il n’obéit pas, il se donne ;Voilà pourquoi je te pardonne :Mais tu m’as tant aimée...