CategoryEmile Nelligan

Vieux Piano

V

L’âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;Relégué du salon, il sommeille dans l’ombreCe misanthrope aigri de son isolement. Je me souviens encor des nocturnes sans nombreQue me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,À ces soirs d’autrefois – passés dans la pénombre,Quand Liszt se disait triste et Beethoven mourant. Ô...

BEAUTE CRUELLE

B

Certe, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde,Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ;Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,Voilà qu’il m’est à l’âme une entaille profonde. Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid :Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve.Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élèveEt...