CategoryAlfred de Musset

Jamais

J

Jamais, avez-vous dit, tandis qu’autour de nous Résonnait de Schubert la plaintive musique; Jamais, avez-vous dit, tandis que, malgré vous, Brillait de vos grands yeux l’azur mélancolique. Jamais, répétiez-vous, pâle et d’un air si doux Qu’on eût cru voir sourire une médaille antique. Mais des trésors secrets l’instinct fier et pudique Vous couvrit de rougeur, comme...

Souvenir

S

Vingt ans après cent ans plus tard toujours les sordides mousquetaires toujours les mêmes traîneurs de sabre toujours les porteurs de bannière Enfant j’ai vu sur une image des hommes en robe noire avec un visage vert debout autour d’un homme qui s’appelait Ferrer Oh pauvres hommes vivants comme vous avez de redoutables adversaires toujours les mêmes sans un changement de...

Que j’aime le premier frisson d’hiver…

Q

Que j’aime le premier frisson d’hiver ! le chaume, Sous le pied du chasseur, refusant de ployer ! Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume, Au fond du vieux château s’éveille le foyer ; C’est le temps de la ville. – Oh ! lorsque l’an dernier, J’y revins, que je vis ce bon Louvre et son dôme, Paris et sa fumée, et tout ce beau royaume (J’entends encore au vent les postillons crier)...

A George Sand (IV)

A

Il faudra bien t’y faire à cette solitude,Pauvre coeur insensé, tout prêt à se rouvrir,Qui sait si mal aimer et sait si bien souffrir.Il faudra bien t’y faire ; et sois sûr que l’étude, La veille et le travail ne pourront te guérir.Tu vas, pendant longtemps, faire un métier bien rude,Toi, pauvre enfant gâté, qui n’as pas l’habitudeD’attendre vainement et sans rien voir venir. Et pourtant, ô mon...

A une fleur

A

Que me veux-tu, chère fleurette,Aimable et charmant souvenir ?Demi-morte et demi-coquette,Jusqu’à moi qui te fait venir ? Sous ce cachet enveloppée,Tu viens de faire un long chemin.Qu’as-tu vu ? que t’a dit la mainQui sur le buisson t’a coupée ? N’es-tu qu’une herbe desséchéeQui vient achever de mourir ?Ou ton sein, prêt à refleurir,Renferme-t-il une pensée ...

Sur une morte

S

Elle était belle, si la NuitQui dort dans la sombre chapelleOù Michel-Ange a fait son lit,Immobile peut être belle. Elle était bonne, s’il suffitQu’en passant la main s’ouvre et donne,Sans que Dieu n’ait rien vu, rien dit,Si l’or sans pitié fait l’aumône. Elle pensait, si le vain bruitD’une voix douce et cadencée,Comme le ruisseau qui gémitPeut faire croire à la pensée. Elle priait, si deux beaux...

Madrid

M

Madrid, princesse des Espagnes,Il court par tes mille campagnesBien des yeux bleus, bien des yeux noirs.La blanche ville aux sérénades,Il passe par tes promenadesBien des petits pieds tous les soirs. Madrid, quand tes taureaux bondissent,Bien des mains blanches applaudissent,Bien des écharpes sont en jeux.Par tes belles nuits étoilées,Bien des senoras long voiléesDescendent tes escaliers bleus...

Adieu !

A

Adieu ! je crois qu’en cette vieJe ne te reverrai jamais.Dieu passe, il t’appelle et m’oublie ;En te perdant je sens que je t’aimais. Pas de pleurs, pas de plainte vaine.Je sais respecter l’avenir.Vienne la voile qui t’emmène,En souriant je la verrai partir. Tu t’en vas pleine d’espérance,Avec orgueil tu reviendras ;Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,Tu ne les reconnaîtras pas. Adieu ! tu...

La Nuit de Décembre

L

LE POÈTE Du temps que j’étais écolier,Je restais un soir à veillerDans notre salle solitaire.Devant ma table vint s’asseoirUn pauvre enfant vêtu de noir,Qui me ressemblait comme un frère. Son visage était triste et beau :A la lueur de mon flambeau,Dans mon livre ouvert il vint lire.Il pencha son front sur sa main,Et resta jusqu’au lendemain,Pensif, avec un doux sourire. Comme...

Rappelle-toi

R

Rappelle-toi, quand l’Aurore craintiveOuvre au Soleil son palais enchanté ;Rappelle-toi, lorsque la nuit pensivePasse en rêvant sous son voile argenté ;A l’appel du plaisir lorsque ton sein palpite,Aux doux songes du soir lorsque l’ombre t’invite,Ecoute au fond des boisMurmurer une voix :Rappelle-toi. Rappelle-toi, lorsque les destinéesM’auront de toi pour jamais...