Atterrissage

A

Ce que la mort peut être : une lente descente,
quasi sans pesanteur, un fœtus bourgeonnant
se lovant doucement au sein de la matrice.
Et le moteur entame un grondement profond,
qu’on dirait stomacal – c’est celui de l’avion
qui a faim d’atterrir, de dévorer l’espace
entre son corps qui tombe et le sol -, et que suit
le furtif lèchement de ses roues sur le corps
de la piste : appuyé, puis glissant vers l’avant,
décélérant en un ralenti sensuel,
et l’avion enfin laisse aller un long son
tel l’ultime soupir de son soulagement.
Le signal ceintures s’éteint, et c’est la phase
finale. Nous quittons nos sièges tels nos âmes
nos corps, et nous laissons nos bagages à main
les plus volumineux dans les compartiments
au-dessus des sièges, puis nous formons, serrée,
la file au bas de l’aile, sourires angoissés
allant de l’un à l’autre, nous sommes quelque temps
la proie bien éveillée de nos ambivalences
diverses, à moins que ne soyons soulagés
d’être enfin arrivés, dans la zone hors du temps
d’une contrée sans nom, sauf celui qu’on lui donne,
sanglotant et riant, le tout en même temps.

Cyril Wong (Copyright 2004)

Traduction et adaptation par Jean-Marie Flémal

Lauréat du Prix de Littérature de Singapour (2006)

« Les poèmes évocateurs et sensuels de Cyril Wong démêlent les déceptions et les promesses de l’enfance dans une langue qui est un pur ravissement, dénuée qu’elle est de toute amertume. Ces poèmes continuent à se mouvoir en nous longtemps après que les lumières se sont éteintes. Ils me rappellent surtout les films de Wong Kar-Wai, le cinéaste confirmé de l’amour et du désir perdus. » (Lewis Warsh.)

***

LANDING

What death may be : a slow, close-to-weightless
tilt, like a burgeoning foetus turning
slightly in the womb. The engine starts a low
growl like a stomach, the aircraft hungry to
land, to devour the space between its
falling body and the ground, followed by
the slow lick of its wheels against the runway’s
belly : pressing down, then skating forward,
only to decelerate, a sensual slow-mo,
and the plane makes a sound
like the hugest sigh of relief.
The seatbelt sign blinks off for the final time.
We rise up from our seats like souls
from bodies, leaving bulky hand luggage
in the overhead compartments, then
begin a tense line down the aisle, awkwardly
smiling at each other, remaining few minutes
alive with all kinds of ambivalences,
or simply relief at having arrived, at long last,
in that no-time zone of a country
without a name except the ones we give it ;
weeping, laughing, both at once.

Cyril Wong (Copyright 2004)

Winner of Singapore Literature Prize (2006)

“Cyril Wong’s evocative and sensual poems unravel the disappointments and promises of childhood, in a language that is pure rapture and untainted by bitterness. These poems continue to pulsate long after the lights have gone out. They remind me most of the movies of Wong Kar-Wai, the consummate film-maker of lost love and desire.” (Lewis Warsh).

 

Avec l aimable autorisation de l’auteur et de traducteur

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By poesiedumonde