Maclou de la Haye

LE REGARD

     Regard ardant, cruel meurtrier de l’ame,
Et qui le corps retire de la lame,
Portant l’enfer en son superbe trait,
Et paradis en son plus doux attrait.

     Regard posé d’un oeil demy ouvert,
Orné d’esmail, d’esmail noir, blanc et verd,
Dessous le sein d’une voille argentée,
Rasserenant l’oeillade redoutée.

     Regard aygu à la force asseurée
Contre les rais de la torche etherée,
Et qui descend par sa vivacité
Au fond plus creux du val précipité

     Regard en qui tant de vertu s’assemble
Que son moins vainc l’Aigle et le Lynce ensemble.

     Regard pudique irrité quelquefoys
Du vil accent de la lubrique voix,
Qui fait rougir la blancheur lilialle
Sous un ciel paint de honte virginalle,
Et, relevant ses rais en la pensée,
Monstre combien son ame est offensée.

     Regard qui peult seullement par un clin
Du corps mourant retarder le declin,
Et ramener mainte ame vagabonde
Dedans son corps de long temps mort au monde.

     Regard luisant, la transparante porte
Du cueur caché, où amour se transporte :
Regarde moy, seiche mes tristes larmes,
contre le mal foibles et vaines armes,
Oste l’ardeur qui m’esblouit, à fin
Que de mon deuil je puisse voir la fin.

Maclou de la Haye
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( in Cinq blasons des cinq contentemens en amour, Paris 1553 )
– – –
source Gallica

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