Toi qui décris avec amour les qualités du vin,
passionné ainsi qu’un frère du père ou de la mère,
vin généreux, il aurait pu en toi trouver un père,
mais, sans voyelle, hélas ! il n’est le fils que de la vigne.
Ami, pourquoi en Syrie es-tu venu, par-delà
des monts revêtus et bien enturbannés de nuées,
cependant que parmi les épouses des deux Iraqs,
Anate et aussi Babylone en liqueur d’or abondent.
Ne sais-tu pas que les Anciens leur ont attribué
le berceau de sa race, étendard de la poésie ?
Garde-toi de la coupe chantée au cours de ta nuit !
En boire n’est rien moins d’accepter sottise et péché.
Étranger ici, tu n’en es pas moins digne d’estime,
je le jure, et tes vêtements noirs ne sont t’abaissent point,
car la richesse et la pauvreté sont d’un rang égal
dans les rites de l’esprit ; bien plus féconde est la gêne.
Jamais l’argent ne me vint sans qu’il ne m’êut égaré,
et jamais un dirhem sans une abondance de peines.
A toi les bienfaits, car tu as dissipé par pudeur
mon doute, et la science de toute bouche vient de Dieu.
Si le don quatre fois plus grand était de lingots d’or,
il n’aurait aucun nom devant ta libéralité.
Rends-le facile en passant par une paume généreuse
qu’il n’y soit jamais comme un « ou » dans le verbe au passé !
Je n’ai point fait ce que j’aurais dû : en me pardonnant,
sans louanges ni blâme, tu me rends un grand service.
Quel plaisir à te chanter si tu étais poésie :
rimes parfaites, vers allègres, trottant sans accidents.
ABDOU’L ALA’ AL-MA’ARRI
La poésie arabe des origines à nos jours René R. Khawam, Marabout Université, copyright 1960
by Editions Seghers, Paris and copyright 1967 by Gérard & Co., Verviers/