Rosette, pour un peu d’absence,
Votre coeur vous avez changé,
Et moi, sachant cette inconstance,
Le mien autre part j’ai rangé :
Jamais plus, beauté si légère
Sur moi tant de pouvoir n’aura
Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s’en repentira.
Tandis qu’en pleurs je me consume,
Maudissant cet éloignement,
Vous qui n’aimez que par coutume,
Caressiez un nouvel amant.
Jamais légère girouette
Au vent si tôt ne se vira :
Nous verrons, bergère Rosette.
Qui premier s’en repentira.
Où sont tant de promesses saintes,
Tant de pleurs versés en partant ?
Est-il vrai que ces tristes plaintes
Sortissent d’un coeur inconstant ?
Dieux ! que vous êtes mensongère !
Maudit soit qui plus vous croira !
Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s’en repentira.
Celui qui a gagné ma place
Ne vous peut aimer tant que moi ;
Et celle que j’aime vous passe
De beauté, d’amour et de foi.
Gardez bien votre amitié neuve,
La mienne plus ne variera,
Et puis, nous verrons à l’épreuve
Qui premier s’en repentira.
Philippe DESPORTES (1546-1606)