Pat2com

Moribond

Un songe… comme une courte épopée où se télescope le désespoir aux sentiments amers. Des relents de réalité s’échappent par effluve de marécages où l’homme aime à se perdre pris dans tourmente de vies sans foi. Comme un cancer le néant se répand en brume grise s’insinuant dans les interstices d’âmes à la dérive. J’ai traversé ces terres et je suis…

J’ai perdu quelque chose…

Les couleurs de la vie
S’effacent d’un coup de gomme
Ramassée en chemin
Quand mon cœur s’est échu.

Errant dix vagues à l’âme
Si loin des terres amies
Sur un pont suspendu
Perforant l’inconnu
L’horloge s’est arrêtée
Dans l’espace immobile…

L’air peut se charger
D’un grain presque palpable
Collant s’insinuant
Aux moindres interstices
D’une âme fracturée
Embrumant mon esprit
Engourdissant mes sens
Perdus aux quatre vents.

Me reste l’horizon
Au crépuscule couchant
Dans les couleurs de feu
Me réchauffer l’âme
D’un soleil qui s’éteint
Jetant ses dernières flammes
Aux badauds ébahis.

La nuit peut bien venir
Et la lune s’inviter
Au bal des égarés
Où les chimères sont reines
Et les rois miséreux.
La chopine bien haute
Toujours prête à trinquer
Aux séants des plus belles
Elues saintes des cieux
Aux règnes éphémères
Des frasques passagères.
De mon regard hagard
Dès que l’œil se tourne
Je suis phare balayant
Le vide insondable
D’une troupe échouée,
Aveuglément brillant
Aux ombres qui me fixent,
Voilant une torpeur
Aussi noire que l’œil luit,
Réelle comme mon néant
Que je tente de noyer
A gorge déployée
Le gosier tout béant.

La constance n’est pas reine
Au bal des cœurs troublés…

Je rêve et je m’égare
Vers un futur sans nom
Que je cesse d’esquisser
Depuis que foi et loi
Ont quitté mon navire
Depuis longtemps détruit
Brisé au gré d’écueils
Au hasard d’un détour
Dont j’ai tant espéré.

L’âcre du souvenir
Sécrète le pire acide ;
Bouffé rongé dissout
Il ne tarit sa source.

Me reste un gros tonneau
Jeté par-dessus bord
Que je tète tel un fou
Qui n’aurait plus qu’en tête
Que le sein de sa mère
Comme seul réconfort…
Pendu à ce nichon
A l’élixir exquis
Je me laisse emporter,
Chahuter divaguer
Au gré des lames de fond
Des mers de mon tréfonds.

Apprenti naufragé
Je festoie au banquet
Des compères retrouvés
Sur l’île faite monde
Hérissée de récifs
Etincelant d’argent,
Tranchant comme le diamant ;
Pas un n’a résisté
A sa pulsion vénale.

Allons ! Trinquons ensemble
Compagnons d’infortune !
Jurons sur tous nos saints
Et par la queue du diable
Invitons Belzébuth
Et son armée de goules
A danser un sabbat !
Payons de notre sang
La fornique infernale !
Catins et puritains,
Châtions les indécis !
Egorgeons les agneaux
Trop doux pour notre goût
Et invoquons la bête !

La fièvre… la fièvre,
Je la sens m’envahir,
Me consumer les sens ;
Le ressac douloureux
De coups de boutoir
Résonne dans ma tête.
Ma raison obscurcie
Me joue encore un tour.
J’ai encore oublié…

Quelque part, où je suis
Je n’espère plus que l’aube ;
Qu’elle éclaire mon chemin
Et que renaissent enfin
Les couleurs de ma vie.

Pat2com, le 24/01/2007

Inspiré d’une humeur maussade et vagabonde du « Poisson-scorpion » de Jean Bouvier.