Après avoir souffert, après avoir vécu,
Tranquille, et du néant de l’homme convaincu,
Tu dis je ne sais rien ! — Et je te félicite,
Ô lutteur, ô penseur, de cette réussite.
Maintenant, sans regret, sans désir, humblement,
Bienveillant pour la nuit et pour l’aveuglement,
Tu médites, vibrant au vent comme une lyre ;
Tu savoures l’azur, le jour, l’astre ; et sans lire
Les papyrus hébreux, grecs, arabes, indous,
Tu regardes le ciel mystérieux et doux ;
Et par l’immensité ton âme est dilatée
Au point d’emplir de flamme et d’aube un monde athée.
Tes jardins sentent bon, et sont tout chevelus
De lierres, de jasmins et de convolvulus ;
Mai fleurit tes lilas, août mûrit tes pommes ;
Et, pendant que le tas tumultueux des hommes
Crie : abattons ! tuons ! exterminons ! broyons !
Toi, parmi les parfums et parmi les rayons,
Voilà que tu finis et que tu te reposes,
Vieux, dans une masure, et sage, dans les roses.
Victor Hugo
Publiés en 1902, – œuvre posthume .(Dernière Gerbe)