José Marti

Fleurs du Ciel

 

Poème écrit après avoir lu ces deux vers de Ronsard :

        Je vous envoie un bouquet que ma main
        Vient de trier de ces fleurs épanies

Des fleurs? Je n’en veux pas! Celles du ciel
Je cueillerai, quand, comme la racine
D’un mont brisé, le vil, le corporel
Vêtement qui me serre la poitrine,
Oú le coeur bat trop fort, sera fendu
Par l’elan frénétique, et que les têtes
Du serpent qui me mord – il a mordu
Depuis toujours les âmes des poètes! —
Tomberont sous l’azur, sous les rayons
De la Foi, sous le bec de tourterelles;
Quand je pourrai crier: “Appareillons!”
Quand mes bras impuissants seront des ailes.

Par mes yeux descendra dans la poussière
Un fleuve d’ésperance et de lumière,
Pendant qu’au fond de nos jardins humides
Prendront des fleurs les troubadours timides…

Et moi, pâle d’amour, débout sur l’ombre,
Enveloppé de gigantesques voiles,
Déroulant sans trembler le fil du Nombre,
Je formerai deux grands bouquets d’étoiles
Pour le sein tiède de ma Dame obscure
Et pour sa délirante chevelure.

José Martí 1853- 1895

Source: Poésies – José Martí, Traduites en français par Armand Godoy
                 Bernard Grasset, 1937

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Photo: José Marti  [source]