Joachim Du Bellay (1525-1560)
En ce moys delicieux,
Qu’amour toute chose incite,
Un chacun à qui mieulx mieulx
La doulceur du temps imite,
Mais une rigueur despite
Me faict pleurer mon malheur.
Belle et franche Marguerite,
Pour vous j’ay ceste douleur.
Dedans vostre oeil gracieux
Toute doulceur est escrite,
Mais la doulceur de voz yeux
En amertume est confite,
Souvent la couleuvre habite
Dessoubs une belle fleur.
Belle et franche Marguerite,
Pour vous j’ay ceste douleur.
Or puis que je deviens vieux,
Et que rien ne me profite,
Desesperé d’avoir mieulx,
Je m’en iray rendre hermite,
Je m’en iray rendre hermite,
Pour mieulx pleurer mon malheur
Belle et franche Marguerite,
Pour vous j’ay ceste douleur.
Mais si la faveur des Dieux
Au bois vous avoit conduitte,
Où, desperé d’avoir mieulx,
Je m’en iray rendre hermite:
Peult estre que ma poursuite
Vous feroit changer couleur.
Belle et franche Marguerite,
Pour vous j’ay ceste douleur.