Oscar Milosz (1877—1939)
Une rose pour l’amante, un sonnet pour l’ami
Le battement de mon cœur pour guider le rythme des rondes ;
L’ennui pour moi, le vin des rois pour mon ennui,
Mon orgueil pour la vanité de tout le monde,
O noble nuit de fête au palais de ma vie !
Et la complainte, pour mon secret, dans le lointain,
De la citronelle, et de la rue, et du romarin…
Le rubis d’un rire dans l’or des cheveux, pour elle,
L’opale d’un soupire, dans le clair de lune pour lui :
Un nid d’hermine pour le corbeau du blason :
Pour la moue des ancêtres ma forme qui chancelle
D’illusions et de vins dans les miroirs couleur de pluie,
Et pour consoler mon secret, le son
Des rouets qui tissent la robe des moribonds.
Un quart d’heure et une bague pour la plus rieuse,
Un sourire et une dague pour le plus discret ;
Pour la crois du blason, une parole pieuse.
Le plus large hanap pour la soif des regrets,
Une porte de verre pour les yeux des curieuses.
Et pour mon secret, la litanie désolée
Des vieilles qui grelottent au seuil des mausolées.
Mon salut pour la révérence de l’étrangère,
Ma main à baiser pour le confident,
Un tonneau de gin pour la gaie misère
Des fossoyeurs ; pour l’évêque luisant
Dix monnaies d’or pour chaque mot de la prière.
Et pour la fin de mon secret
Un grand sommeil de pauvre dans un cercueil doré.
Une Demi Siècle de Poésie La maison du poète 2, 158 Rue de la Lune, Dilbeek, Copyright 1954 by “La Maison du Poète”, Dilbeek