Serge Patient
Mais vous m’avez compris
j’ai beau parler en paraboles
j’ai beau parler en pataboles
et dire assiettes cassées bois
renversés c’est pas de bol
je parle petit-nègre
et le grand matical
la grammaire à grand-mère
mon violon dingue
Nous ne pourrons plus rire
à Kourou-plage
nos jeux de corps
nos jeux de mains
nos jeux câlins
non je n’ai pas tout dit
nos jeux sont frappés d’interdit
Je voudrais bien tourner la page
je voudrais bien passer l’éponge
et je me dis parfois
fais pas ta mauvaise tête
fais pas le mauvais nègre
chante l’averse et le soleil
la joie de vivre enfin en images précises
évoque cette nuit d’orage sur le fleuve
où l’éclair fut stylet d’émeraude ébréchée…
Mais non je ne veux pas de souvenirs qui paralysent
ni que l’on se méprenne
au point de me surprendre
en posture élégiaque
je ne veux témoigner que pour ceux qui se taisent
ceux qu’on arrache de leur terre
ceux qu’on arrache de leur case
ceux de mon peuple bâilloné
ceux de ma race méprisée
TEMOIGNAGE POUR KOUROU (fragment)
Extrait du livre : “LE MAL DU PAYS”