Quand je n’avais plus un sou,
je trouvais mon bonheur en rêvant la nuit.
Le sommeil allégeait tendrement
les tortures du jour,
mon sommeil était calme.
Alors, je songeais que la Mort doit être ainsi,
un long apaisement,
je me demandais : comment passerai-je ma journée de demain ?
Cette question n’était que l’obsession du jour pénible.
Quand je n’avais plus un sou,
ce qui me sauvait c’était mon rêve nocturne.
Il était infiniment beau !
Il était l’accomplissement de ma satisfaction totale !
Rêver était le seul bonheur qui me fût donné…
Aujourd’hui encore, chaque nuit,
je me couche bien calme
et je rêve sans fin, mais…
je ne ressens plus, comme jadis, aussi amplement,
l’apaisement ni la beauté.
Je tâche de rêver et d’oublier les choses quotidiennes,
Je dévore avec ardeur la vie…comme tout le monde.
Mais…somme toute, la vie
n’est que la chaîne sans fin des rêves
et des choses qui ne sont pas des rêves.
Toutes les choses que j’ai rêvées, que j’ai désirées
ne resteront pas marquées sur mon passé
comme les herbes piétinées sur la route.
Dans la poussière dispersée de cette vie réelle, nue,
je rêve encore…Je rêve de rêves partis sans retour…
UN DEMI SIECLE DE POESIE, La maison du poète 2, 158, Rue de La Lune,
DilbeekCopyright 1954 by « La Maison du Poète » Dilbeek.
Ryuko Kawaji (1888 – 1959)