Jean-Marie Flémal

Port de Fécamp 1977

Il y a de la brume sur le vieux port
où d’immenses carcasses rouillées de cargos
achèvent de se déglinguer
au beau milieu de mon cafard

c’est comme qui dirait le matin
il doit y avoir un chat
en train de miauler dans chaque poubelle
et probablement aussi
quelques vieilles putes blafardes
en carafe dans le cœur
de chacun de ces matelots rencontrés
titubant d’enfer en purgatoire
et de bar en bordel
l’estomac plus noué qu’un paquet de bitords
et les yeux rougeâtres plissés
pour mieux maudire sans doute
les rires stridents des mouettes
et les aboiements des sirènes

il y a de la brume sur le vieux port
les derniers godets de bière éventée
n’ont pas l’air de vouloir passer
c’est bien pire encore
que toute cette mer à boire

aujourd’hui il n’y a même pas besoin
d’un petit coup de calva ou de gnole
pour affronter la froidure des quais

la chaleur humaine s’en va haletant
au gré des haleines rauques

je me sens vieux comme un trois-mâts
qu’on n’aurait plus briqué depuis deux hivers
et j’ai dans la bouche
des relents fades de baisers sans passion
où réprobateurs nagent les yeux
d’un bouillon de moules

Jean Marie Flemal