Et tu as au cœur la nostalgie de ceux des hameaux voisins,
Parce que l’ennemi les a trompés et qu’ils ont abandonné le pays natal,
Arrachés au vieux village, aux bons amis,
Le petit frère séparé du grand, et le grand loin du petit.
Notre lit laissé vide, personne n’y dort plus.
Le battant de la porte, plus personne ne l’ouvre.
Le petit tabouret laissé là, plus personne ne s’y assoit.
La pipe à eau est envahie par la mousse,
Le petit au cœur trop jeune écoute et suit l’ennemi
Qui parque et pousse les gens du pays sur les routes du Sud.
Les escargots des rizières dorment sous le champ aride ;
Ils attendent la main qui retiendra les eaux.
Soir et matin, en aval de l’embarcadère, passent les poissons
Qui jamais plus ne retrouveront la belle, venue laver sa tunique
couleur de ces terres.
Peut-être toi, l’ami du pays as-tu aussi le cœur en nostalgie ?
Nostalgie du village d’autrefois avec tous les proches ;
Nostalgie de l’autel des ancêtres au vase d’encens si menu ?
Chaque année, quand vient de Têt, et le souvenir des aeïux,
On pense au village, avec toutes les femmes
Assises près de la maison, brodant les tuniques couleur d’indigo ;
Quand le chien aboyait au bout du village, annonçant l’étranger,
Elle se retiraient pour se faire jolies et accueillir l’homme aimé,
Et tu gardes au cœur la nostalgie de l’etabel et du buffe dodu.
Chaque matin, nous partirons ensemble, marchant derrière la charrue,
Et tu as au cœur la nostalgie de la maison avec son petit torrent :
Le matin, on sortait s’y laver le visage, et voir sa silhouette ;
Et tu as au cœur la nostalgie du sentier avec l’ombre fraîche des pins ;
Quand nous passions sous le soleil de midi,
L’ombre des arbres nous protégeait de sa douce brise :
De l’autre côté du sentier, il est une voix qui chante en répos….
(Anthologie de la poésie vietnamienne)
BAN TAI DOAN 1965
Cent poème sur l’exil – Ligue de Droits de L’homme cherche midi éditeur, 1933