Si mon petit pays, qui se cache dans l’herbe,
N’a point de fier sommet, ni de ville superbe,
Si parfois on en parle avec un air moqueur,
Moi, je l’aime et le voi spar les yeux de mon cœur.
Son souvenir m’est doux comme le chant des sources ;
Il a pour les songeurs de charmantes ressources :
Ces asiles de paix que les sapins lui font,
Au bord d’étroits sentiers coupant le bois profond.
Au creux de ses wallons, au cœur de ses villages,
Le babil des oiseaux nichés dans les feuillages
Se mêle aux bruits des champs, aux bruits de l’atelier ;
Il est fait pour rêver comme pour travailler.
Si les Jurassiens sont gens simples et frustrés,
Il ont le serrement loyal des mains robustes,
Ils ont le franc regard de leurs yeux bien ouverts,
Ils ont le fond joyeux de leurs horizonts verts.
Oui, tout est sain chez nous, le cœur comme le reste,
Tu n’as rien dépouillé de ta candeur agreste ;
Malgré tout ce qui change et ce qui passera,
Tu seras, ô pays, toujours, mon vieux Jura.
Ne soyez pas surpris, en écoutant ces choses,
En songeant que là-bas, j’ai coulé mes jours roses,
Ne soyez pas surprise que j’aime sans retour
Ma petite patrie avec mon grand amour.
(Nature)
Virgile Rossel (Tramelan, Jura, Bernois), 1858
Poètes Lyriques Francais, France et Étrange, Imprimerie Alb.
Hermann, libraire-éditeur rue David 9, Verviers 1993.
- ©2003 Jacques Kuenlin