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Mon Coeur D’Acier

Nima Youchid (1896 – 1960)

Lâchez mon cheval,
mes vivres et ma selle !
Ne retenez pas ce vagabond qu’un rêve de révolte
A conduit jusqu’à votre seuil.

Je viens d’une contrée où nul cœur n’est joyeux.
Terres lointaines
Oú les sourdards font règner le massacre.
Au printemps, les fleurs jaillissent des plaies ouvertes.

En chemin je songeais
Que seul un être au cœur d’acier
Peut traverser ce désert de la mort,
Jetant un regard détaché
Sur le bien et sur le mal, Acceptant les épreuves,
Sachant que ce monde est celui
De la haine et de la boucherie,
De la ruine et de l’abandon.

Mais c’est vers ce désert de la mort
Que je dois retourner, usant de toutes mes ruses.
Ce voyage ne sera qu’un cauchemar
Plein de panique et de soubresauts,
Mon regard toujours cloué à ce rêve
Brasier qui dévore toute mon existence.
Nulle trêve pour moi,
La délabré, le vagabond.

Personne autant que moi ne fut dépouillé.
J’ai tout perdu.
Mon cœur d’acier, je l’ai perdu,
C’était mon unique richesse.
Mon cœur d’acier est resté en chemin.
Les pillards sans doute ont jété
Mon cœur d’acier en pâture à leur printemps
Dont les fleurs de sang jaillisent des blessures.

Et je crains qu’à force de baigner
Dans le sang de mes frères innocents
Piétinés par l’injustice,
Mon cœur d’acier ne soit envahi par la rouille.

NIMA YOUCHID (1896 – 1960)

(Iran, Poésie et autres rubriques)par Chahrâbrub Amirchâhi et Alain Lance)

Cent poèmes sur l’exil – Ligue de Droits de L’homme -Le Cherche Midi Éditeur, 1993