Je te regarde en face en train d’écrire
pendant qu’au fond de moi mon encre tarit
dans le sable poème
tu mets tes lunettes, tu reprends du papier
ce qu’il faut pour une nuit
et tu t’en vas dans ta solitude
entre-temps
la nuit grandit et derrière la fenêtre
le gel et l’obscurité échangent leurs dons
lui, des stalactites et du givre, elle, du lait noir épais
moi je grandis de l’intérieur
je vis avec deux cœurs
tandis que l’enfant vivant mûrit inconnu dans mon sein
sur l’écran les nouvelles sont comme toujours mauvaises
mais l’on peut en marchant sur les lattes du parquet
qui craquent sous les pas
se trouver sur un bateau
et, regardant par la fenêtre basse,
au lieu du jardin gelé, contempler la mer
avec la pleine lune
et ainsi tout l’hiver – brise la glace,
creuse un passage
vers le pont où nous sommes toi et moi
frissonnant au froid du large
avec les abysses au-dessous
et le cri du goéland en moi
le battement de ses ailes glacées
qui n’ont pas (quel est ce lieu et ce temps ?)
où se poser
janvier 1989
Liljana Dirjan, poètesse Macédonienne