John Tranter

Encre lavande

Tiens, la voilà : miss Béate, somnolant
à l’ombre d’un parasol Campari. A côté d’elle,
un bouquin – quelque chose de brillant : Callimaque,
disons, imprimé dans une élégante typo vénitienne –
lu à moitié (et il reste encore
les métaphores les plus osées !),
un verre de gin, buée froide
fleurissant sur le cristal. L’air
caresse sa peau
et la hi-fi du voisin joue
« I Can’t Get Started » dans un recoin
lointain de l’après-midi.

Voiliers sur l’eau.
Tintements de glaçons.

Je t’imagine lisant ces lignes,
redécouvrant Sydney
dans un millier d’années, sans
comprendre tout de suite : tu auras raté
la délicate gueule de bois, le murmure distant
de la ville, l’odeur de cette encre
séchant sur la page.

Traduction et adaptation par Jean-Marie Flémal

(d’après John Tranter)

***

Original :

Lavender Ink

Look, there she is : Miss Bliss, dozing
in the shade of a Campari umbrella. Beside her
a book – something brilliant : Callimachus,
let’s say, printed in an elegant Venetian type –
half-read, with the most alarming
metaphors to come,
and a glass of gin, a cool dew
blooming on the crystal, the air
kissing her skin
and the neighbour’s hi-fi playing
’I Can’t Get Started’ in a distant
corner of the afternoon.

The yachts on the water.
The tinkle of ice.

I’m thinking of you reading this,
reinventing Sydney
a thousand years from now, and not
getting it quite right : missing the
delicate hangover, the distant murmur
of the city, the scent of this ink
drying on the page.

© 2004 

Avec l’aimable autorisation de l’auteur et du traducteur

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