Un soir que je contemplais la lune

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Baka Jaouad

Je pensais à elle, à nous ; que j’étais morose !
De l’amour jamais je ne cueillerais la rose.
Séant, mon front posé sur ma main incolore,
Je crois avoir touché de la folie les bords.
C’est beau un ciel nocturne grouillant de claires étoiles.
La lune semble me comprendre, de mes peines j’ôte les voiles.

Dur est d’être dans un monde où l’amour n’est amour,
Où l’oubli, gai, habitera les âmes pour toujours.
J’aime une gracieuse fille que je ne peux embrasser ;
Que dois-je faire pour que nos corps puissent s’enlacer ?
À peine j’approche mes lèvres des siennes qu’elles se retirent ;
Suis-je de Tantale au supplice ? Ou dois-je être martyr ?

Je ne sais si c’était rêve ou réalité ;
Je quittai mon corps, surpris, le vis alité.
Je m’envolai, occupai un nuage tout gris,
Joignis la lune ; d’ici-bas ce fut mon abri.
Le chagrin intense ne nous est pas étranger,
Nous parlions d’amour, de passion sans y songer.

Cela fait une éternité, me disait-elle,
Qu’elle se voit éperdue de Titée l’immortelle ;
Elle l’a vue épouser Uranus, fils du Jour,
Qui mourut de mutilation, ô troubadour !
Méfiez-vous de celle que vous aimez ingénu !
Vous finirez par marcher miteux, les pieds nus.

Tendrement seul un poète crédule peut aimer,
Avec ses pensées, il ne fait que blasphémer.
Dieu est amour, vous le savez comme je le sais,
Amour est Dieu, à quoi bon servent ces larmes versées ?
Dites à tout honnête homme qui prétend le connaître
Qu’il est en lui, qu’il n’attend que l’on lui fasse naître.

Celle que vous estimez votre Muse est Circé,
Elle est entourée de poison, de cœurs percés.
Dès qu’aimée, en une autre elle se métamorphose,
Elle vous étale ses épines comme le fait la rose ;
Céleste et capiteuse, on succombe à son charme,
Et, agenouillé, elle vous poignarde par son arme.

Soudain, le soleil la chasse, et part désolée ;
Elle ne m’a pas tout révélé, ô affolée !
Et, mon âme, pareille, plus que jamais agitée,
Réalise qu’un autre rêve vient de la quitter.
Le présent se révèle insupportable, cruel ;
Le futur entre avec ma conscience en duel.

Une larme, aussi gelée que la pluie de décembre,
Soulage ma peine, coule sur ma joue dans un air sombre.
Un autre jour commence, les douleurs sont les mêmes ;
N’a-t-on dit qu’on ne récolte que ce que l’on sème ?
Ô illustre soleil nocturne ! Ô reine du silence !
Je vous prie, bannissez de mes peines les immenses.

©BAKA Jaouad




Avec l’aimable autorisation de l’auteur

B. Jaouada  participé au “Prix de la création littéraire”, un concours de la poésie qui est organisé  au Maroc,  il a eu le 2ème prix.

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