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Découverte

D

J’étais enfant. J’aimais les grands combats,Les Chevaliers et leur pesante armure,Et tous les preux qui tombèrent là-basPour racheter la Sainte Sépulture. L’Anglais Richard faisait battre mon coeurEt je l’aimais, quand après ses conquêtesIl revenait, et que son bras vainqueurAvait coupé tout un collier de têtes. D’une Beauté je prenais les couleurs,Une baguette était mon cimeterre ;Puis je...

En bateau

E

L’étoile du berger trembloteDans l’eau plus noire et le piloteCherche un briquet dans sa culotte. C’est l’instant, Messieurs, ou jamais,D’être audacieux, et je metsMes deux mains partout désormais ! Le chevalier Atys, qui gratteSa guitare, à Chloris l’ingrateLance une oeillade scélérate. L’abbé confesse bas Eglé,Et ce vicomte dérégléDes champs donne à son coeur la clé. Cependant la lune se lèveEt...

Souvenir

S

Le ciel, aux lueurs apaisées,Rougissait le feuillage épais,Et d’un soir de mai, doux et frais,On sentait perler les rosées. Tout le jour, le long des sentiers,Vous aviez, aux mousses discrètes,Cueilli les pâles violettesEt défleuri les églantiers. Vous aviez fui, vive et charmée,Par les taillis, en plein soleil ;Un flot de sang jeune et vermeilPourprait votre joue animée. L’écho...

Les larmes de l’ours

L

Le Roi des Runes vint des collines sauvages.Tandis qu’il écoutait gronder la sombre mer,L’ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer. Le Skalde immortel dit : – Quelle fureur t’assiège,Ô sombre Mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,Pourquoi pleurer ? Vieil Ours vêtu de poil de neige,De l’aube au soir pourquoi te...

Le pardon

L

Je me meurs, je succombe au destin qui m’accable.De ce dernier moment veux-tu charmer l’horreur ?Viens encore une fois presser ta main coupableSur mon coeur. Quand il aura cessé de brûler et d’attendre,Tu ne sentiras pas de remords superflus ;Mais tu diras : ” Ce coeur, qui pour moi fut si tendre,N’aime plus. “ Vois l’amour qui s’enfuit de mon âme...

Après avoir souffert

A

Après avoir souffert, après avoir vécu,Tranquille, et du néant de l’homme convaincu,Tu dis je ne sais rien ! — Et je te félicite,Ô lutteur, ô penseur, de cette réussite. Maintenant, sans regret, sans désir, humblement,Bienveillant pour la nuit et pour l’aveuglement,Tu médites, vibrant au vent comme une lyre ;Tu savoures l’azur, le jour, l’astre ; et sans lireLes papyrus...

L’Amour

L

Vous demandez si l’amour rend heureuse;Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.Ah! pour un jour d’existence amoureuse,Qui ne mourrait? la vie est dans l’amour. Quand je vivais tendre et craintive amante,Avec ses feux je peignais ses douleurs:Sur son portrait j’ai versé tant de pleurs,Que cette image en paraît moins charmante. Si le sourire, éclair inattendu,Brille parfois...

Chanson d’automne

C

Les sanglots longsDes violonsDe l’automneBlessent mon coeurD’une langueurMonotone.
Tout suffocantEt blême, quandSonne l’heure,Je me souviensDes jours anciensEt je pleure
Et je m’en vaisAu vent mauvaisQui m’emporteDeçà, delà,Pareil à laFeuille morte.
Paul VERLAINE (1844-1896)November Afternoon, Stapleton ParkJohn Atkinson Grimshaw (1836- 1893)

A l’Arc de triomphe

A

Oh ! Paris est la cité mère ! Paris est le lieu solennelOù le tourbillon éphémère Tourne sur un centre éternel ! Paris ! feu sombre ou pure étoile ! Morne Isis couverte d’un voile ! Araignée à l’immense toile Où se prennent les nations ! Fontaine d’urnes obsédée ! Mamelle sans cesse inondéeOù pour se nourrir de l’idée Viennent les générations ! Quand Paris se met à...

Voyage du silence

V

Voyage du silenceDe mes mains à tes yeuxEt dans tes cheveuxOù des filles d’osierS’adossent au soleilRemuent les lèvresEt laissent l’ombre à quatre feuillesGagner leur cœur chaud de sommeil.
Eluard, Paul, (1895-1952)